SIAO Paris

"Winter is coming", l'hiver approche...

Le SIAO et les acteurs de la veille sociale s’apprêtent à livrer un combat de plus contre la misère et le froid. Une lutte qui s’annonce encore acharnée avec un hiver pas comme les autres…

« Winter is coming », l’hiver approche… C’est la réplique culte de la célèbre et populaire série Game of Thrones. Alors qu’une menace glaçante, qui fait froid dans le dos, arrive à grands pas, il va falloir s’organiser et cesser de se préoccuper de son propre statut social pour venir en aide à l’humanité. Entre la fiction et la réalité, il n’y a parfois qu’un pas. Car pour le SIAO Paris et tous les acteurs sociaux, il n’est pas question de virtuel mais bien de réel quand on évoque les dangers de l’hiver. Chaque saison, c’est le même refrain, le branle-bas de combat pour venir en aide aux plus démunis, ceux qui sont « enfermés dehors », livrés à eux même face à des températures qui mettent leur vie en péril. 

Après deux années agitées par la crise sanitaire, le SIAO Paris et les acteurs de la veille sociale semblent armés pour répondre à leur mission. Ils vont devoir néanmoins agir et appréhender cette nouvelle saison hivernale dans un contexte différent des années précédentes. En effet, Emmanuelle Wargon, ministre déléguée au Logement, a annoncé, le 6 septembre 2021, un changement de modèle pour la gestion de l’hébergement. Désormais, on passe d’une gestion dans l’urgence à une programmation structurelle sur plusieurs années. Une décision qui intervient quatre ans après le lancement, le 11 septembre 2017, de la stratégie nationale pour « Le Logement d’abord » par le Président de la république. Une initiative qui rompt alors avec le modèle traditionnel dans lequel une personne à la rue réalisait un long parcours dans diverses structures d’hébergement avant de pouvoir éventuellement accéder à un logement. « Le Logement d’abord » propose de renverser le modèle avec un accès le plus direct possible à un logement, en fonction des besoins et des souhaits de la personne.

 

La fin de la « gestion au thermomètre »

Pendant la crise sanitaire, le gouvernement s’est fortement mobilisé, avec les associations, pour mettre à l’abri le plus de personnes possibles. Pas moins de 40 000 places d’hébergement supplémentaires ont été créées entre 2020 et 2021, portant le parc total à 200 000 places. Emmanuelle Wargon a annoncé en mai dernier le maintien des 200 000 places jusqu’au printemps 2022, mettant fin ainsi à la « gestion au thermomètre » de l’hébergement qui se traduisait jusqu’ici par des remises à la rue de personnes du fait de la fermeture de places en fin d’hiver. Cependant, malgré ce nombre d’hébergements historiquement élevé, il reste encore trop de personnes sans solution, à la rue. 

Les années précédentes, l’ouverture des places du plan hivernal permettait aux écoutants du 115 de répondre aux demandes les plus urgentes pour mettre les personnes à l’abri. Certes ce mode de fonctionnement restait a priori du court terme mais, avec lui, c’était plus de possibilités sur l’instant présent et surtout l’espoir de voir les usagers passer l’hiver au chaud. Si les bénéfices de la nouvelle stratégie sont attendues sur le long terme, une question demeure : Comment faire dans l’immédiat ? 

Sabrina Boulefrad, directrice du SIAO Paris, se veut rassurante : « La disparition du plan hivernal change notre fonctionnement. Mais je ne suis pas inquiète car l’État annonce des ouvertures de places pérennes pour le début d’année 2022. Parallèlement, au niveau départemental, des réflexions sont menées pour créer des accueils de jour et de nuit en faveur des personnes qui seraient à la rue afin de les abriter sur une courte durée. » Pour elle, la solution passe aussi par une vision sur le long terme. En effet, la fin de la prise en charge de courte durée au profit de la stabilisation des parcours va permettre aux ménages de sortir vers du logement beaucoup plus qu’aujourd’hui : « L’offre a toujours été inférieure à la demande. Mais le problème en réalité n’est pas lié à l’entrée, mais plutôt à la sortie. Pour libérer de la place et lutter contre la précarité, il faut pouvoir mobiliser les usagers sur du long terme et déclencher ensuite un accompagnement social. C’est la fluidité vers le haut qui va créer un cercle vertueux. Cette politique long terme sera bénéfique pour les ménages et les familles. Car mettre à l’abri des personnes sur une courte durée a souvent l’effet d’un feu de paille et ne sort pas les familles de la précarité. Avec ce nouveau fonctionnement, ce ne sont pas les mêmes personnes qui feront appel à nous à chaque hiver, mais des nouvelles. »

 

Des températures négatives qui auraient un impact positif…

Un projet de réflexion collective sur une loi de programmation « de la rue à l’hébergement ou au logement » était nécessaire. Pour rappel, Emmanuelle Wargon a demandé à la Délégation Interministérielle à l’hébergement et l’accès au logement (Dihal) de travailler avec la Fédération des Acteurs de la Solidarité et les associations du secteur pour poser les bases de cette programmation. Le rendu des groupes de travail aura lieu au premier trimestre 2022. Ce rendez-vous pluriannuel de l’hébergement et du logement permettra d’avoir une visibilité sur le nombre de places sur cinq ans, et de prévoir, programmer, anticiper et transformer les places en fonction des besoins des territoires et des publics. La réussite de cette nouvelle démarche ne pourra se faire qu’en construisant une réponse commune et partagée avec tous les acteurs sociaux. L’occasion de se pencher concrètement sur trois sujets cruciaux selon Martin Choutet, co-responsable du Pôle Habitat du SIAO Paris : l'accès au logement social, l'accès au médico-social et la régularisation des personnes étrangères sans titre de séjour. « Ça fait dix ans qu'on parle du logement d'abord. Il faut le faire avec plus de détermination et aller au bout de la démarche. La stabilisation du nombre de places pour travailler sur le long terme est une bonne chose à condition de lever les trois freins principaux qui nous empêchent d'avoir plus de fluidité, de sorties positives et du coup davantage d'entrées dans le parc existant. » Pour lui, le premier levier demeure la question de l'accès au logement social : « Aujourd’hui, on identifie 4200 ménages, soit 8400 personnes dans des dispositifs d'hébergement et qui n'ont plus rien à y faire. Il n'est donc pas question de créer des places supplémentaires mais tout simplement d'en libérer. » Le deuxième point clé concerne la question de l'accès aux dispositifs médico-sociaux : « Certaines personnes qui ont un handicap ou sont dans un fort état de dépendance n'ont pas grand-chose à faire dans le dispositif généraliste d'hébergement. Il faudrait pouvoir les orienter vers des structures adaptées. » Enfin, le troisième sujet porte sur la question de la régularisation administrative des personnes : « Beaucoup n'ont pas de titres de séjour, bien que leur vie soit maintenant sur le territoire, elles sont hébergées, mais ne pourront pas sortir de l’hébergement tant qu’elles n’auront pas de papiers… »  

À l’approche de cette nouvelle saison hivernale, au SIAO Paris, on s’est organisé, envisageant le pire. Mais le pire pour certains est parfois le meilleur pour d’autres… faut-il souhaiter une météo peu clémente qui conduirait à ouvrir des places en raison du froid ? Une solution certes, mais Martin Choutet envisage le meilleur autrement : « Il existe une très forte tension liée à de nombreuses demandes en attente (9500) qui ne peuvent pas être pourvues faute de capacité d'accueil. Avec la crise sanitaire, on passe d'une période où il n'y a jamais eu autant de places d'hébergement à la disparition du plan hivernal et son lot d’hébergements. Ouvrir à très court terme plus de capacités d'hébergements soulagerait sans doute beaucoup de personnes, mais nous défendons aussi l'approche qu'il faut apporter des réponses plus durables. Face à ce contexte, la meilleure réponse est de ne rien lâcher et renforcer les actions pour optimiser les places existantes en les attribuant aux personnes qui en ont le plus besoin. Ne perdons pas un jour de plus ! Sans attendre, amplifions l'effort sur le relogement maintenant sans attendre ! »  

 

Prêt à livrer bataille contre la misère

Quoiqu’il arrive, le SIAO est préparé pour cette période particulière. Et en cas de grand froid, il se tient déjà prêt à agir. Les mots d’ordre : communiquer avec les partenaires en amont pour s’organiser et aller tous dans le même sens ; anticiper les ouvertures de places pour être en cohérence avec le besoin des personnes et des partenaires des maraudes parisiennes afin d’éviter les écueils du « premier arrivé, premier servi » ; réguler les places grand froid qui seront centralisées par le 115 pour assurer la visibilité et la coordination de l’ensemble des orientations ; suivre les parcours et les réorientations au sein du pôle habitat pour travailler la sortie des personnes mises à l’abri ; identifier des référents au sein de chaque pôle du SIAO pour suivre le pic d’activité… Grand froid ou pas, le SIAO se tient prêt à assurer sa mission aux côtés des partenaires , comme le rappelle Sabrina Boulefrad :  « Dans le cadre de sa mission de coordination des acteurs de la veille sociale, le SIAO sera toujours à l’écoute et travaillera de manière étroite avec l’ensemble de ses partenaires. »
  
Au SIAO Paris comme du côté des acteurs sociaux, on est donc sur le pied de guerre, déterminé plus que jamais à venir en aide à ceux qui en ont le plus besoin. Peu importe le contexte, cette vocation qui les anime au jour le jour est leur force pour répondre dans l’urgence. Comme le disait Émile Zola, l’écrivain très engagé dans des causes sociales : « La vie, le malheur, l’isolement, l’abandon, la pauvreté sont des champs de bataille qui ont leur héros ; héros obscurs plus grand parfois que les héros illustres. » Pas de doute, le SIAO Paris et ses différents pôles (115, Habitat et Maraudes) ainsi que les partenaires de la veille sociale sont prêts à livrer bataille contre la misère. Certes dans l’ombre, mais avec la ferme intention d’apporter un peu de chaleur et d’éclaircies dans la vie des plus démunis.